En tant qu'entrepreneurs, nous sommes souvent censés raconter une histoire sans faille et extrêmement positive sur les progrès inébranlables et les profits que réalisent nos entreprises, ainsi que sur les solutions « sans précédent » que nous offrons. « Nous cartonnons ! » Il ne doit y avoir aucune faille dans l'armure, pas un instant de doute visible. Et il ne doit certainement pas y avoir de dépression en désespoir et de chagrin.

Pourtant, nous gérons nos entreprises dans un monde où chaque jour des gens se font tirer dessus, exploser dans la rue, alimentant des cycles destructeurs de haine et de confusion. Nous entendons parler de dégradations environnementales spécifiques et générales à une échelle inimaginable et potentiellement irréversible ; des gens vivant dans une pauvreté systémique et misérable réduits à des conditions animales. Les nouvelles nous apportent un récit incessant de maladies, de catastrophes naturelles et de dysfonctionnements sociaux entraînant des niveaux inimaginables de pertes sociétales et personnelles. De plus, nous vivons avec nos propres hauts et bas personnels, transitions, peines de cœur et pertes.

À travers tout cela, nous travaillons dur, soit en ne nous permettant pas de ressentir quelque chose d'aussi déstabilisant que le chagrin, soit en ne le montrant pas. Laisser autant de choses se ressentir, ou se montrer en train de les ressentir, est trop incontrôlable, trop inconfortable, trop vaste. Il est plus facile de transmettre la confiance et les réalisations en projetant un sentiment de confort et de facilité. De cette manière, la dissociation et l'engourdissement deviennent la norme et nous enfouissons notre chagrin profondément dans notre subconscient.

Cependant, cette dissociation est le signe d'une opportunité perdue. Nous nous privons de la capacité de voir les choses clairement, d'avoir des intuitions et d'agir efficacement avec une intention claire. En ne ressentant pas les choses, nous nous rendons insensibles aux vrais risques et dangers, et nous obscurcissons notre conscience de ce qui est vraiment en jeu. Plutôt que d'éviter ou de cacher le chagrin brut qui surgit en faisant partie de notre monde difficile, y aller franchement peut être la chose la plus utile que nous puissions faire - non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour s'assurer que nos entreprises fournissent des solutions à de vrais problèmes qui comptent vraiment.

« Dans notre culture, le désespoir est redouté et résisté car il représente une perte de contrôle. Nous en avons honte et l'évitons en exigeant des solutions instantanées aux problèmes. Nous recherchons la solution rapide. Cette habitude culturelle obscurcit nos perceptions et favorise une dangereuse innocence du monde réel. » ~Joanna Macy

Voici quelques raisons pour lesquelles le bon deuil est en fait une compétence puissante que les entrepreneurs doivent cultiver :

1. Connexion. Pour les entrepreneurs, les relations sont essentielles et une connexion authentique est puissante. Nous permettre de ressentir le chagrin améliore notre capacité à empathiser avec la souffrance et les circonstances des autres, ce qui est une condition préalable à des connexions profondes - qu'elles soient avec la famille, les membres de l'équipe, les collègues, les clients ou les investisseurs.

2. Innovation. Au mieux, notre désir d'innover est alimenté par une véritable compréhension de ce dont le monde a le plus besoin et de la meilleure façon de le fournir. De la reconnaissance de la douleur vient une compréhension claire et une transformation de la façon dont nous voyons et comprenons le monde qui nous entoure.

   Les grandes tristesses… elles sont les moments où quelque chose de nouveau est entré en nous. ~ Rainer Maria Rilke

3. Objectif. Lorsque tout semble perdu, ce qui est le plus important remonte à la surface. Combien de fois entendons-nous l'histoire du magnat des affaires prospère qui abandonne tout parce qu'il veut faire quelque chose de significatif ? Beaucoup d'entrepreneurs passent toute leur carrière à se refuser l'opportunité de ressentir réellement l'angoisse qui les entoure, et ne font rien qu'ils aiment vraiment jusqu'à ce qu'ils atteignent une sorte de crise. En étant disponible pour cette angoisse, nous nous donnons les moyens de diriger des organisations significatives tout au long de notre carrière.

Il y a, bien sûr, de nombreuses raisons pour lesquelles nous ne nous abandonnons pas au chagrin - dont la principale est probablement qu'il fait mal. Ma propre expérience du chagrin d'amour dans sa forme la plus pure n'est ni lugubre ni dépressive, mais a en fait une qualité de couper à travers la distraction et la superficialité. Évidemment, nous ne pouvons pas vraiment nous promener en pleurant tout le temps, cependant nous pouvons reconnaître que cette tristesse est une réaction saine à un monde en détresse. Nous pourrions avoir peur d'être submergés par la force et l'immensité de notre chagrin, mais quand nous cessons de l'éviter, nous pouvons réellement recevoir ses dons. Nous pouvons développer la capacité de bien faire notre deuil, et de permettre à ce chagrin de nous soutenir dans notre travail de vie.

« Une fois que nous comprenons l'art de la souffrance, nous souffrirons moins. » ~Thich Nhat Hanh

Un grand merci pour l'inspiration de cet article à Joanna Macy, la maîtresse du chagrin génératif, et les bonnes conversations tard dans la nuit avec Sera Thompson, Claudia Chender et Michael Rich. Et merci, toujours, à Emily Utz pour ses précieuses suggestions d'édition.